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SAINTE CATHERINE DE SIENNE

LETTRES


Traduites par E. Cartier, éd. Pierre Téqui




LES LETTRES DE SAINTE CATHERINE DE SIENNE


Lettre n.1, A GRÉGOIRE XI

I. - LETTRE A GRÉGOIRE XI. - Sainte Catherine cherche à fortifier le Souverain Pontife contre les dangers de l'amour de lui-même.- Elle l'exhorte à revenir en Italie, et à secourir les habitants de Lucques et de Pise. - Elle le conjure de n'élever aux dignités de l'Église que des hommes vertueux.

(Note: Cette lettre et les deux suivantes furent écrites dans les premiers mois de l'année l376 quelque temps avant le voyage de sainte Catherine a Avignon. Sa réputation de sainteté l'avait déjà mise en crédit auprès du Souverain Pontife, et ce fut ce qui décida les Florentins à la choisir pour médiatrice. Quelques auteurs disent que sainte Catherine avait été en correspondance avec le Pape Urbain V, mais Burlamacchi, malgré toutes ses recherches, n'a pas en trouver de preuves.)




AU NOM DE JÉSUS CRUCIFIÉ ET DE LA DOUCE MARIE.



1.Très révérend et très aimé Père dans le Christ Jésus, votre indigne et pauvre misérable petite fille, Catherine, la servante et l'esclave des serviteurs de [141] Jésus-Christ (Toutes les lettres de sainte Catherine commencent par ces mots: Al nome di Jesù Cristo crocifisso, e di Maria dolce. Elles finissent par ceux-ci: Jesù dolce, Jesù amore. Sainte Catherine prend le titre de serva e sehiava de'servi di Jesù Cristo; imitant ainsi l'humlité des souverains pontifes, qui signent servus servorum Dei. Ce fut saint Grégoire qui le premier adopta cette formule en opposition aux titres fastueux que prenait le patriarche de Constantinople.), vous écrit dans son précieux sang, avec le désir de vous voir un arbre fertile qui donne en abondance des fruits délicieux, parce qu'il est planté dans une terre féconde. Il sécherait, s'il n'était pas dans cette terre, et il ne donnerait pas de fruits; cette terre est la vraie connaissance de vous-même, L'âme qui se connaît s'humilie, parce qu'elle ne voit aucune raison de s'enorgueillir, et elle nourrit en elle le bon fruit d'une ardente charité, parce qu'elle y voit l'infinie bonté de Dieu; elle reconnaît qu'elle n'est pas; et l'être qu'elle possède, elle l'attribue à Celui qui est (Sainte Catherine emploie souvent cette définition que Dieu a donne lui-même: Colui che è, en opposition avec celle de la créature, Quella che non i. (Vie de sainte Catherine, 
Ire p., ch. x. ). Alors, il semble que l'âme soit contrainte d'aimer ce que Dieu aime, et de détester ce qu'il déteste.



2. O douce et bonne connaissance, qui portes avec toi le glaive de la haine cette haine te fait tendre la main du saint désir, pour arracher et détruire le ver de l'amour-propre. Ce ver gâte et ronge la racine de notre arbre, tellement, qu'il ne peut plus produire des fruits de vie, mais qu'il dessèche et qu'il perd sa verdure. Car celui qui s'aime, nourrit en lui ce funeste orgueil, source et principe de tout mal dans toutes [142] les conditions, que l'on commande ou qu'on obéisse. Celui qui s'isole dans l'amour de lui-même, celui qui s'aime pour lui et non pour Dieu, ne peut que mal faire, et toute vertu est morte en lui.
Il ressemble à une femme qui met au jour des enfants morts. Car il ne possède pas la vie de la charité; il songe à sa propre gloire, et non pas à celle du nom de Dieu. Aussi, je le dis, s'il commande, il fait mal, parce que, par amour de lui-même et pour ne pas déplaire aux créatures, dont l'intérêt et l'amour-propre le rendent esclave, il étouffe en lui la sainte justice. Il voit les défauts et les péchés de ceux qui lui sont soumis, et il fait semblant de ne pas les voir, pour ne pas les reprendre; ou, s'il les reprend, c'est avec une telle nonchalance et une telle lâcheté de coeur, qu'il ne produit aucun effet. Il ménage ainsi le vice, parce qu'il craint de déplaire et de s'attirer des ennemis. Il s'aime lui-même, et il ne fait rien pour avoir la paix, et c'est la plus grande cruauté qu'il puisse commettre. Si la plaie, quand il le faut, n'est pas brûlée avec le feu et taillée avec le fer, si on y met seulement du baume, non seulement elle ne guérit pas, mais encore elle se corrompt et elle donne la mort.



3. Hélas! hélas! mon très doux Père (Dolcissimo babbo mio. - Baibo était le nom tendre que les petits enfants donnaient à leurs pères), c'est ce qui fait que ceux qui obéissent se perdent dans le désordre et l'iniquité. Hélas! je le dis en gémissant, combien est dangereux ce ver rongeur de l'amour-propre, qui non seulement donne la mort au pasteur, mais en fait périr aussi tant d'autres! Pourquoi emploie-t-il de semblables moyens? Parce qu'il redoute [144] la peine. Le baume qu'il applique aux malades ne déplaît à personne, et personne ne lui en saura mauvais gré. Il n'a pas contrarié le malade, qui voulait du baume; il lui en a donné. O misère humaine! Le malade est aveugle, parce qu'il ne connaît pas son besoin; le pasteur qui soigne est aveugle, car il ne voit et ne regarde que son plaisir et son utilité personnelle; et, pour ne pas se nuire, il n'use pas du fer de la justice, ni du feu d'une ardente charité. Il arrive ce que dit le Christ: " Si un aveugle en conduit un autre, ils tomberont tous les deux dans le précipice. " Le malade et le médecin se précipitent dans l'enfer. C'est bien là un pasteur mercenaire; car non seulement il n'arrache pas ses brebis à la dent du loup, mais encore il les dévore lui même. Et pourquoi cela? Parce qu'il s'aime sans aimer Dieu, et il ne suit pas le doux Jésus, le vrai Pasteur, qui a donné sa vie pour ses brebis. Il est donc bien dangereux pour soi et pour les autres, cet amour coupable; et il faut bien le fuir; car il est la source de tout mal. J'espère, par la bonté de Dieu, Ô mon vénérable Père, que vous l'étoufferez en vous. Vous ne vous aimerez pas pour vous, vous n'aimerez pas le prochain pour vous, ni Dieu non plus; mais vous l'aimerez parce qu'il est l'éternelle et souveraine Bonté, parce qu'il est digne d'être aimé. Et vous vous aimerez, vous aimerez le prochain pour l'honneur et la gloire du doux nom de Jésus. Oui, je veux que vous soyez ce bon et véritable pasteur; que, si vous aviez mille vies, vous soyez prêt à les donner toutes pour l'honneur de Dieu et le salut des créatures, O mon Père bien-aimé, vous le Christ de la terre, imitez le [144] doux saint Grégoire; vous pouvez faire ce qu'il a fait, car il était homme comme vous, et Dieu est toujours ce qu'il était alors. Il ne nous manque que le courage et la faim du salut des âmes. Mais, mon Père, le moyen de l'acquérir, c'est de nous séparer de cet amour de nous-mêmes et des créatures en dehors de Dieu: il ne faut plus s'arrêter aux amis, aux parents, aux intérêts temporels, mais seulement à la vertu, aux intérêts spirituels. Les choses de la terre ne périssent que parce qu'on néglige celles du ciel.



4. Efforçons-nous donc d'avoir cette glorieuse faim qu'avaient les saints et vrais pasteurs d'autrefois éteignons en nous le feu de l'amour-propre. Imitons ceux qui combattaient le feu avec le feu. Ils avaient tellement dans leurs coeurs le feu d'une ardente charité, qu'ils avaient faim des âmes et qu'ils s'en nourrissaient avec délices. O feu doux et glorieux, dont la vertu est si grande, qu'elle éteint le feu des plaisirs déréglés et de l'amour de nous-mêmes aussi promptement qu'une goutte d'eau disparaît dans une fournaise! Si on me demande comment on acquiert ce feu et cette faim, puisque de nous-mêmes nous ne sommes que des arbres stériles, je répondrai que c'est en s'attachant à l'arbre fertile de la très sainte et très douce Croix; là se trouve l'Agneau immolé pour notre salut, avec tant d'amour, qu'il semble ne pouvoir se rassasier. Il crie encore qu'il a soif, comme s'il disait: Mon ardeur, ma soif, mon désir de votre salut sont plus grands que je ne puis vous le montrer par ma passion, qui n'est pas infinie. O doux et bon Jésus, que les pontifes, les pasteurs et toutes les créatures rougissent de leur ignorance, de leur orgueil et de leurs [145] jouissances, en voyant cette générosité, cette bonté, cet amour ineffable de notre Créateur, qui s'est montré à nous, dans notre humanité, comme un arbre riche de fruits doux et suaves, pour que nous puissions nous greffer sur lui. C'est ce que firent le fidèle saint Grégoire et les autres bons pasteurs; ils virent qu'il n'y avait aucune vertu en eux, et ils s'attachèrent au Verbe, notre arbre divin. Ils s'y greffèrent en s'unissant à lui par les liens de l'amour, parce que l'oeil se fixe et s'attache là où il voit le bien et la beauté. Ils s'étaient tellement liés à lui, qu'ils ne se voyaient plus, mais qu'ils voyaient et goûtaient tout en Dieu. Le vent de la tempête, les démons, les créatures ne pouvaient les empêcher de porter de bons fruits, parce qu'ils étaient greffés sur la sève de Jésus, notre bon arbre, et les fruits qu'ils donnaient étaient pleins de de cette douce sève de la charité, dans laquelle ils étaient unis.



5. C'est ainsi que je veux vous voir. Si jusqu'à présent vous n'avez pas été bien ferme, je vous demande et je vous conjure, pour le temps qui vous reste, d'agir en homme courageux, et de suivre le Christ, dont vous êtes le Vicaire. Ne craignez rien, Ô Père, des vents furieux qui se sont élevés, et de ces enfants dénaturés qui se sont révoltés contre nous. Ne craignez rien, parce que le secours de Dieu est prêt. Veillez aux choses spirituelles, mettez de bons pasteurs et de bons gouverneurs dans nos villes; car ce sont les mauvais, pasteurs et les mauvais gouverneurs qui ont fait naître la révolte (Sainte Catherine signale comme cause de révolte les exactions et les scandales des représentants du Saint-Siège.
Saint Antonin le fait aussi dans ses Chroniques, part. III, tit. XXII, ch. 1. Une croisade devait aider la paix, en éloignant dle l'Italie les bandes salariées qui y entretenaient le trouble et le pillage.). Appliquez vite le remède; confiez-vous [146] dans le Christ Jésus, et ne craignez rien. Avancez donc, et accomplissez avec un saint zèle les bonnes résolutions que vous avez prises; retournez à Rome, et entreprenez une glorieuse croisade. Ne tardez pas davantage; vos lenteurs ont fait naître beaucoup d'embarras; le démon a travaillé et travaille encore pour empêcher ce qui doit se faire, parce qu'il y trouve sa ruine. Courage, Saint Père, plus de négligence; levez l'étendard de la sainte Croix; c'est l'odeur de la Croix qui vous donnera la paix. Je vous supplie d'inviter les rebelles à une sainte paix, pour que toute la guerre se tourne contre les infidèles. J'espère que l'infinie bonté de Dieu vous enverra un prompt secours... Courage donc, courage venez, oui, venez consoler les pauvres serviteurs de Dieu, vos enfants. Nous vous attendons avec un ardent et tendre désir. Pardonnez-moi, mon Père, tout ce que je vous ai dit. Vous le savez, c'est de l'abondance du coeur que parle la langue. J'en suis sûre, vous serez l'arbre que je désire voir, et rien ne vous arrêtera.



6. Je vous prie d'envoyer porter aux habitants de Lucques et de Pise les paroles paternelles que Dieu vous inspirera (Les Florentins faisaient tous leurs efforts pour attirer à leur parti les habitants de Pise et de Lucques.
Sainte Catherine séjourna longtemps à Pise en 1375, pour maintenir dans l'obéissance cette ville, qui finit par encourir l'interdit. Elle réussit mieux pour Lucques, qui resta fidèle au Souverain Pontife.); secourez-les autant que vous [147] pourrez, et invitez-les à demeurer fermes et fidèles. Je suis restée jusqu'à ce moment à Pise et à Lucques, en les engageant de tout mon pouvoir à ne pas se liguer avec les coupables qui se sont révoltés contre vous. Mais ils sont dans une grande perplexité, parce qu'ils ne reçoivent de vous aucun secours, et qu'ils sont, au contraire, travaillés et menacés par vos ennemis: ils n'ont cependant encore rien promis. Je vous prie d'écrire aussi d'une manière plus pressante à messire Pierre (Messire Pierre Gambaconti était tout-puissant à Pise. Nous verrons que sainte Catherine était très attachée à sa famille.). Faites-le avec affection, et ne tardez pas. Je ne vous en dis pas davantage.



7. J'ai entendu dire ici que vous aviez nommé des cardinaux. Je crois que l'honneur de Dieu et nos intérêts demandent que vous vous appliquiez à choisir des hommes vertueux. Si vous faites le contraire, vous encourrez le blâme de Dieu, et vous nuirez à la sainte Église (La nomination des cardinaux dont semble se plaindre sainte Catherine, fut faite le 20 décembre 1375.
Dans cette promotion, qui fut la dernière de Grégoire XI, sur neuf cardinaux sept étaient Français, et trois parents du Souverain Pontife. Ces cardinaux étaient Pierre de la Jugie, Hugues de Mont-Relaix, Jean de Busseries, Gny de Malefic, Jean de la Grange, Pierre de Sortenai, Gérard du Puy. Les deux autres étaient: Simon de Borsano, Italien, et Pierre de Lune, Espagnol, qui peu d'années après devint l'antipape Benoît XIII.). Nous ne devons pas ensuite nous étonner si Dieu nous envoie les châtiments et les fléaux de sa justice. Faites, je vous prie, [149] ce que vous avez à faire avec courage et crainte de Dieu.



8. J'ai appris que vous vouliez élever à un autre dignité le Maître de notre Ordre je vous demande, par amour de Jésus crucifié, que, s'il en est ainsi, vous nous donniez un bon et vertueux vicaire. Notre Ordre en a besoin, car il est bien inculte (Le maître général des Frères Prêcheurs était alors frère Elie de Toulouse; il ne fut pas changé. L'ordre de Saint Dominique avait alors besoin d'une réforme, à la suite du relâchement causé par la peste noire. Elle fut commencée par sainte Catherine, et continuée par le bienheureux Raymond de Capoue, la bienheureuse Claire Gambacorti, et le bienheureux Jean-Dominique.). Vous pourrez en causer avec messire Nicolas d'Osimo et avec l'Archevêque d'Otrante. Demeurez dans la sainte et douce dilection de Dieu. Je vous demande humblement votre bénédiction. Pardonnez, si j'ose ainsi vous écrire. Doux Jésus. Jésus amour.

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